Le site de Pech Maho (Sigean, Aude)

Site emblématique de la Protohistoire du Midi de la France, Pech Maho (Sigean, Aude) est un petit habitat fortifié d’environ 1,5 ha, implanté au débouché maritime des Corbières, dans un secteur marquant la limite géographique entre le Languedoc occidental et le Roussillon, au sud de ce qui semble avoir constitué le territoire de l’oppidum de Montlaurès (Narbonne), la Naro / Narbo des sources antiques. Il occupe une colline dominant le cours d’un fleuve (La Berre), à proximité des étangs de Bages-Sigean dont les eaux arrivaient jadis aux pieds même du site.

 

Fig. 1 : Vue aérienne du siteFondé au milieu du VIe s. et détruit brutalement dans le dernier quart du IIIe s. av. n. ère, Pech Maho est un site à vocation emporique, tourné vers les échanges avec la Méditerranée. La découverte, déjà ancienne, d’une lettre commerciale en ionien archaïque (début du Ve s. av. n. ère), inscrite sur une feuille de plomb, est un témoin particulièrement probant de la fréquentation du site par des négociants méditerranéens et du degré de structuration des échanges qui se pratiquent alors sur le littoral du Golfe du Lion.

Ses liens avec le Roussilon et la Catalogne sont particulièrement forts tout au long de ses quelque trois siècles d’existence, et Pech Maho semble bien se situer à l’interface des aires commerciales des colonies grecques d’Ampurias et de Marseille. Outre un volume d’importations conséquent qui reflète la vocation du site en tant que débarcadère et place d’échanges, de nombreuses traces d’activité métallurgique, et notamment de forge, ont été mises en évidence à l’intérieur même de l’habitat dès les phases les plus anciennes. Aux IVe-IIIe s. av. n. ère, celles-ci sont particulièrement explicites, tandis qu’extra-muros, des champs de silos ont été repérés, qui témoignent d’importantes capacités de stockage de grains, probablement destinés à l’exportation.

 

Fig. 2 : Niveau de destruction d’un entrepôt contenant dolia et amphoresPech Maho se singularise par sa fortification démesurée, qui reflète autant un réel souci de défense qu’une volonté ostentatoire de signifier l’importance du lieu. Des bâtiments publics ainsi que de nombreux témoignages liés à des activités cultuelles caractérisent également le site, soulignant son rôle à la fois économique, religieux et politique.

Pech Maho est connu depuis le début du XXe siècle et a fait l’objet de recherches dès avant la seconde guerre mondiale, mais l’essentiel de l’activité de terrain a été mené entre la fin des années 50 et la fin des années 70 sous la direction d’Yves Solier (CNRS). L’étude du site et des collections mises au jour à l’occasion des fouilles anciennes a été reprise en 1998 dans le cadre d’un PCR du Ministère de la Culture. Ce programme s’est achevé en 2004 et a trouvé la même année son prolongement dans la reprise d’une fouille programmée, dont la dernière campagne est intervenue en 2012.

La publication monographique des niveaux du second âge du Fer est en cours (dir. E. Gailledrat), préambule à de nouveaux programmes de terrain. La fouille de Pech Maho s’inscrit dans une recherche plus large menée sur les comptoirs littoraux protohistoriques, en articulation avec les fouilles programmées de La Monédière (Bessan, Hérault), Lattara (Lattes, Hérault) et du Cailar (Gard).

 

Fig. 3 : Dépôt associant du mobilier métallique (épée dans son fourreau) à des restes d’équidésLes fouilles récentes ont principalement porté sur les dernières phases d’occupation (IVe-IIIe s. av. n. ère), avec plusieurs programmes liés à l’évolution du système défensif, l’organisation interne de l’habitat, ainsi qu’aux conditions ayant présidé à la destruction puis à l’abandon du site. De nombreuses traces d’incendie et de pillage témoignent d’un événement brutal survenu dans le dernier quart du IIIe s. av. n. ère, mais cet épisode ne marque pas à proprement parler la fin de Pech Maho. Immédiatement après, le lieu est en effet réinvesti et devient le théâtre d’un ensemble de pratiques rituelles, impliquant notamment le massacre d’un grand nombre d’équidés et culminant avec l’érection d’un bûcher collectif.

 

 

Responsable de la fouille : Eric Gailledrat

Equipe : Natalia Alonso, Nasrine Anwar, Maria-Carmen Belarte, Alexandre Beylier, Nicolas Boulbes, Axel Cauvin, Franca Cibecchini, Anne-Marie Curé, Cécile Dubosse, Henri Duday, Armelle Gardeisen, Samuel Longepierre, Sébastien Munos, Gaël Piquès, Jordi Principal, André Rivalan, Nuria Rovira, Séverine Sanz, Martine Schwaller, Yves Solier, Ariane Vacheret

 

Bibliographie récente

  • Voir les Carnets du Parc Pech Maho, comptoir lagunaire de l'Âge du fer (VIe-IIIe siècle avant notre ère) sur HAL-SHS : https://halshs.archives-ouvertes.fr/halshs-01354633v1
  •  E. Gailledrat, N. Anwar,A. Beylier, A.-M. Curé, H. Duday, S. Munos, A. Vacheret, Victorious an defeated: Warfare, rituals and funerary practices et the end of the 3rd century BC in Pech Maho (Aude, France), Ancient West and East (à paraître).
  •  E. Gailledrat, Symboles de guerre, manifestations de violence : le cas de la fortification de l’âge du Fer de Pech Maho (Sigean, Aude), dans O. Buchsenschutz, O. Dutour, C. Mordant (dir.), « Archéologie de la violence et de la guerre dans les sociétés pré- et protohistoriques », Faire la guerre, faire la paix, Actes du 136e Congrès du CTHS (Perpignan, 2011), p. 175-194 (édition électronique) 2014.
  • E. Gailledrat, Samuel Longepierre, Anne-Marie Curé, Un espace de mouture artisanale à Pech Maho (Sigean, Aude) à la fin du IIIe s. av. J.-C. «  Molins i mòlta al Mediterrani occidental durant l’edat del ferro », Arbeca (Lleida, Espagne, 27-28 septembre 2013), Revista d’Arqueologia de Ponent, 24 (2014), p. 331-346.
  • E. Gailledrat, L’agglomération de Pech Maho (Sigean, Aude), dans B. Girard (dir.), Au fil de l’épée. Armes et guerriers en pays celte méditerranéen, Nîmes, Musée archéologique, 2013 (Bulletin de l’Ecole Antique de Nîmes, 30), p. 306-311.
  • E. Gailledrat, Pech Maho, comptoir lagunaire de l’Âge du fer (VIe-IIIe s. av. n. ère), Narbonne, Parc Naturel Régional de la Narbonnaise en Méditerranée, 2012, 72 p. (Les Carnets du parc, n°12).
  • C. Belarte, E. Gailledrat, J. Principal, The Functional and symbolic uses of space in western Mediterranean protohistory : the Pech Maho example (Sigean, Western Languedoc, France), Oxford Journal of Archaeology, 30-1, 2011, p. 57-83.
  • E. Gailledrat, N. Anwar, A. Beylier, A.-M. Curé, H. Duday, A. Gardeisen, Pech Maho (Sigean, Aude), dans R. Roure, L. Pernet (dir.), Des rites et des hommes. Les pratiques symboliques des Celtes, des Ibères et des Grecs en Provence, en Languedoc et en Catalogne, Paris, Errance, 2011, p. 152-157.
  • E. Gailledrat, Innovations architecturales et processus d’acculturation au VIe s. sur le littoral languedocien. L’exemple de Pech Maho (Sigean, Aude), dans H. Tréziny (dir.), Grecs et Indigènes de la Catalogne à la Mer Noire, Aix-Paris, Centre Camille Jullian-Errance, 2010 (Bibliothèque d’Archéologie Méditerranéenne et Africaine, 3), p. 333-347.
  • E. Gailledrat, Pech Maho, de l’Emporion au sanctuaire, dans X. Delestre, H. Marchesi (dir.), Archéologie des rivages méditerranéens : 50 ans de recherche, Actes du Colloque en l’honneur des 50 ans du Ministère de la Culture (Arles, 28-30 octobre 2009), Paris, Errance-Ministère de la Culture et de la Communication, 2010, p. 349-355.
  • E. Gailledrat, A. Gardeisen, Assemblages originaux d’équidés du IIIe s. av. n. ère sur le site de Pech Maho (Sigean, Aude), dans A. Gardeisen, E. Furet, N. Boulbes (eds), Histoire d’équidés : des textes, des images et des os, Actes du colloque organisé par l’UMR 5140 du CNRS, Montpellier, 13-14 mars 2008, Lattes, ADAL, 2010 (Monographies d’Archéologie Méditerranéenne, Hors-série n°4), p. 105-123.
  • E. Gailledrat, A. Beylier, La fortification de Pech Maho (Sigean, Aude) aux IVe-IIIe s. av. n. ère, dans « Les fortifications préromaines en France méridionale », Documents d’Archéologie Méridionale, 32, 2009, p. 97-122.
  • A. Beylier, E. Gailledrat, Traditions indigènes et innovations dans les fortifications de l’aire languedocienne à l’âge du Fer : l’exemple de Pech Maho (Sigean, Aude) et du Cayla de Mailhac (Aude), Revista d’Arqueologia de Ponent, 19, 2009, p. 251-270.
  • E. Gailledrat, Y. Solier (dir.), L’établissement côtier de Pech Maho (Sigean, Aude) aux VIe-Ve s. av. J.-C. (fouilles 1959-1979), Lattes, ADAL, 2004, 467 p. (Monographies d’Archéologie Méditerranéenne, 19).
  • E. Gailledrat, P. Rouillard, Pech Maho aux VIe-Ve s. av. J.-C. Une place d’échanges en territoire élisyque, dans Peuples et territoires en Gaule méditerranéenne. Hommage à Guy Barruol, Montpellier, 2003 (Revue Archéologique de Narbonnaise, Supplément 35), p. 401-410.
  • E. Gailledrat, P. Moret, La fortification de Pech Maho (Sigean, Aude) et le problème de ses pierres plantées, dans N. Alonso, E. Junyent, A. Lafuente, J.-B. López (coord.), Chevaux de frise i fortificació en la primera edat del ferro europea, Lleida, 2003, p. 119-133.
  • E. Gailledrat, G. Marchand, Pech Maho (Sigean, Aude). Un ensemble à caractère public et cultuel dans l’habitat, dans P. Arcelin, J.- L. Brunaux (dir.), « Cultes et sanctuaires en France à l’âge du Fer », Gallia, 60, 2003, p. 234-238.
  • E. Gailledrat, M.- C. Belarte, Sigean-Pech Maho, dans E. Dellong (coord.), Carte Archéologique de la Gaule-Narbonne et le Narbonnais 11/1, Paris, 2002, p. 592-605.