L’oppidum de Mourrel-Ferrat est situé sur la commune d’Olonzac, dans le département de l’Hérault, sur une colline culminant à 130 m d’altitude. Cette éminence fait partie d’un massif qui constitue un trait d’union entre la Montagne Noire au nord et les Corbières au sud, et qui sépare les basses collines du Minervois, au nord et à l’ouest, des plaines narbonnaise et lézignanaise, au sud et à l’est. Située sur la rive gauche de l’Aude, elle surplombe la coupure par laquelle le fleuve (et le canal du Midi) franchit la ligne de collines. Cette voie de passage du fleuve, qui s’écoule à cet endroit selon une orientation approximativement nord/sud, est également le lieu d’un ancien gué (le gué de Lengoust).

 

Historique des recherches

Sur l’oppidum : les explorations intra-muros

Le site de Mourrel-Ferrat aurait apparemment été connu et signalé dès la fin du XIXe siècle par G. Sahuc et J. Miquel. La première mention de l’oppidum et de son rempart proviendrait quant à elle d’un Bulletin de la Société d’études scientifiques de l’Aude, daté de 1931.

  Vue aérienne de la colline de Mourrel-Ferrat, en bordure de l’Aude et du canal du Midi (cliché : S. Durand - Cette adresse e-mail est protégée contre les robots spammeurs. Vous devez activer le JavaScript pour la visualiser.).

Entre cette date et le début des années 1970, il semblerait que plusieurs sondages aient été effectués sur l’oppidum. Il n’existe malheureusement ni rapport ni publication sur ces travaux. Deux de ces interventions ont néanmoins été localisées a posteriori par le Centre de Recherche et de Documentation du Minervois (ci-après C.R.D.M., association de loi 1901 fondée en 1971). La première est la fouille de la « cabane du Potier », dont les murs sont encore visibles dans la partie méridionale du site. Explorée par L. Mathieu, cette habitation aurait été dénommée ainsi en raison de la découverte de dolia. La seconde est un sondage contre la courtine occidentale, réalisé par le groupe Archéologique de la Maison des Jeunes de Lézignan.

Dans les années 1970 et 1980, les membres du C.R.D.M. explorent régulièrement le site en même temps qu’ils procèdent au rassemblement du mobilier des fouilles anciennes et qu’ils en étudient une partie. En 1971, la première opération, sous le contrôle scientifique d’Y. Solier, consiste à tamiser les déblais de fouille du sondage du groupe Archéologique de la Maison des Jeunes de Lézignan pour récupérer le mobilier, ainsi qu’à nettoyer ce sondage pour observer la stratigraphie.

L’année suivante, de nouveaux sondages sont ouverts à proximité de cette zone de fouille, toujours contre la courtine occidentale et jusqu’à une douzaine de mètres vers l’est. Tandis que le sondage contre le mur d’enceinte s’avère quasiment stérile, un second sondage localisé à quelques mètres livre un abondant mobilier pris dans une couche de cendres, mais aucune structure bâtie.

Ensuite, les opérations menées par le C.R.D.M. se déroulent sous la conduite de G. Rancoule et de M. Rigal. En 1975, des fouilles sont menées sur un accès de l’oppidum, une porte aménagée dans la courtine occidentale, présentée par les fouilleurs comme une « poterne » lors de la publication des travaux dans un Bulletin de la Société d’études scientifiques de l’Aude en 1980.

 

  Vue de l’accès ouest de l’oppidum - fouilles CRDM, 1975 (cliché : A.-M. Curé).

En 1977 et 1978, des défrichements et dégagements du rempart et des vestiges apparents dans l’enceinte de l’oppidum sont entrepris afin de réaliser des photographies aériennes et des relevés topographiques, rendus plus faciles suite à un incendie de la colline.

En 1978, c’est une unité domestique, la « cabane PG1 » qui est fouillée, puis publiée dans Archéologie en Languedoc en 1987. Cette unité domestique se présente comme un bâtiment rectangulaire d’environ 30 m2, avec des murs à solins de pierres liées à la terre.

La dernière trace des travaux du C.R.D.M. et de M. Rigal est un rapport sur un sondage ouvert à l’est de la porte (« poterne »), à cheval sur des fouilles plus anciennes et sur des niveaux encore inexplorés, qui révèle la présence possible d’un habitat (mais toujours pas de structure bâtie) et d’un dépotoir.

Enfin, P. Séjalon entreprend en 1998 la réalisation de quatre sondages d’emprise réduites afin de dater certaines structures et d’apporter des précisions sur la chronologie d’occupation du site. Un des sondages (zone 1) a permis de mettre en évidence une portion de la courtine méridionale. Un autre sondage (zone 4) a pour sa part livré une sépulture à incinération datée du Ve s. av. n. ère, qui a fait l’objet d’une publication dans les Documents d’Archéologie Méridionale en 2000.

Au sud de l’oppidum : des vestiges d’une occupation extra-muros

À environ 60 m au sud de la courtine méridionale, des restes d’architecture en terre associés à du mobilier du VIe s. av. n. ère ont été fouillés par le C.R.D.M. en 1977. G. Sachot signale également la présence de céramiques de l’âge du Fer (fragments de céramique modelée, d’amphore étrusque et massaliète) à environ 200 m au sud de l’oppidum.

À l’est de l’oppidum : la nécropole

Suite à un défonçage agricole sur le flanc oriental de la colline, des concentrations d’os humains brûlés accompagnés de charbons de bois et de fragments de céramique ont été repérés. L’opération de sauvetage menée en 1999 sous la direction de T. Janin a permis de mettre au jour un ensemble funéraire (treize sépultures, deux bûchers funéraires, un dépôt et quinze trous de poteaux) daté du dernier quart du IVe s. av. n. ère. Cet ensemble est publié dans les Documents d’Archéologie Méridionale en 2000.

Les études de mobilier

Outre le matériel étudié pour les rapports de fouilles et publications déjà mentionnés, les membres du C.R.D.M. ont ponctuellement procédé à l’étude et éventuellement à la publication de mobilier mis au jour lors de travaux plus anciens ou de nettoyages de sondages. En 2001, P. Séjalon publie pour sa part un article sur les céramiques non tournées micacées du Cayla de Mailhac (Aude) et de Mourrel-Ferrat dans les Documents d’Archéologie Méridionale.

Enfin, en 2015, dans le cadre du projet Labex ARCHIMEDE « NARO : Protohistoire du Narbonnais », dirigé par É. Gailledrat (CNRS, UMR 5140 de Montpellier), A. Vacheret a effectué l’étude complète de l’ensemble du mobilier céramique des fouilles anciennes. Cette étude a permis de préciser la chronologie de l’occupation de l’oppidum, datée des Ve, IVe et IIIe s. av. n. ère.

 

Les recherches sur l'oppidum depuis 2017

Les travaux antérieurs ont permis de connaître la chronologie globale de l’occupation de l’oppidum. Celle-ci reste toutefois approximative, et il n’est notamment pas possible de savoir pour le moment si cette occupation est continue ou non. Par ailleurs, ces explorations ont révélé l’étendue spatiale de l’oppidum et l’existence d’une fortification ; elles ont également permis d’avoir un aperçu de l’architecture domestique avec la fouille de la « cabane PG1 ». Au vu de ces acquis, des fouilles programmées ont donc été relancées sur l’oppidum en 2017, d’abord avec des opérations annuelles (2017 et 2018), puis avec un programme triennal (2019-2021). Les recherches sont orientées selon trois thèmes principaux : les formes de l’habitat, le faciès culturel et la chronologie, et enfin les pratiques de consommation alimentaire.

Le développement de ces trois thèmes est d’autant plus intéressant que Mourrel-Ferrat est un site de l’arrière-pays. Or, les travaux archéologiques de ces dernières années sur la Protohistoire du Languedoc occidental se sont concentrés sur les habitats littoraux. L’étude de ce site permet ainsi de relancer les recherches sur l’hinterland, et sur les rapports entre les communautés indigènes de l’intérieur et celles du littoral.

Bilan des campagnes 2017 et 2018

En 2017 et 2018, nous nous sommes d’abord attachés à établir un plan géoréférencé de l’oppidum, et à le préciser par le biais de diverses opérations. Un levé par LiDAR a ainsi effectué en mai 2018, aboutissant à l’obtention de modèles numériques de surface (MNS) et de terrain (MNT). La surface couverte englobe l’emprise supposée du site, ainsi que ses environs immédiats, soit 10,9 hectares. Ce levé LiDAR vient compléter les relevés au GPS des parties visibles de l’enceinte réalisés sur le terrain et les relevés effectués après un nettoyage approfondi de plusieurs secteurs sur la fortification (zones 7 et 13) et dans la partie méridionale de l’oppidum (zones 8, 9 et 12).

Par ailleurs, les zones fouillées dans les années 1960 et 1970 qui avaient livré des vestiges construits ont fait l’objet au minimum d’un désherbage et d’un nettoyage afin de documenter les architectures visibles, ces dernières étant peu détaillées dans les rapports anciens – lorsqu’ils existent. Dans la zone 7 (la « poterne »), la zone 8 (la « cabane PG.1) et la zone 9 (la « cabane du Potier »), le bâti a ainsi fait l’objet d’un enregistrement le plus complet possible (description, relevé par photogrammétrie et couverture photographique). De plus, les sondages réalisés par P. Séjalon en 1998 qui s’étaient avérés positifs (zones 1 et 4) ont été nettoyés pour en observer la stratigraphie.

La fouille s’est quant à elle concentrée sur la partie méridionale de l’oppidum. La première zone de fouille ouverte en 2017 (zone 12), comprenant une portion de la fortification et l’espace intra-muros immédiatement au nord, s’étend sur 155 m². Son exploration en 2017 et 2018 a permis d’évaluer l’état de conservation des vestiges et de la stratigraphie dans cette partie du site. La fouille extensive et stratigraphique, associée à l’étude du mobilier céramique, a conduit à un premier phasage de cet espace. La phase la plus ancienne mise en évidence, qui n’a pas encore été explorée, est caractérisée par la présence d’un ensemble bâti en limite sud-est de la zone, qui témoigne de la présence d’un espace construit à proximité immédiate du rempart. Durant la phase 12D (v. 325-300/275 av. n. ère), les architectures de la phase antérieure sont recouvertes par des niveaux de dépotoir qui prennent place entre le rempart au sud et un possible espace de circulation au nord. La phase 12C (v. 300/275-250 av. n. ère) correspond quant à elle à l’effondrement progressif de l’élévation du rempart, par dessus les couches de dépotoir. Durant la phase 12B (v. 250 av. n. ère à période contemporaine), la zone 12, qui fait au plus l’objet de fréquentations ponctuelles ne laissant aucun vestige construit, est progressivement recouverte par des colluvionnements issus de l’érosion des sols en amont. Enfin, la phase 12A renvoie à l’occupation de l’époque contemporaine, avec un épierrement du rempart et de son effondrement, notamment pour la construction de murs de terrasse destinés à faciliter la mise en culture de la colline.

La seconde zone de fouille (zone 9), ouverte en 2018, est située à environ 30 m au nord de la zone 12. Ce sont ici 140 m² qui ont été explorés, répartis entre une zone de fouille de 75 m² et une surface désherbée et nettoyée de 65 m². Cette première intervention a permis d’actualiser le plan du bâtiment figurant sur les relevés anciens comme la « cabane du Potier », fouillée probablement dans les années 1960. Dans la partie occidentale de cette unité fonctionnelle, des niveaux archéologiques préservés ont également pu être partiellement fouillés. L’exploration de cette zone laisse par ailleurs présager une bonne conservation des vestiges au moins au nord et à l’ouest du bâtiment, et encourage donc à étendre la zone de fouille dans ces directions.

Enfin, le mobilier issu des campagnes de 2017 et 2018 a fait l’objet d’études préliminaires, présentées dans les rapports finaux d’opération : mobilier céramique, mobilier non céramique, mobilier en terre crue, matériel faunique, carporestes et ossements humains. Ces études permettent d’alimenter la réflexion à la fois sur la chronologie de l’occupation, le faciès culturel du gisement et les pratiques de consommation alimentaires – ce dernier axe bénéficiant notamment de la fouille des niveaux de dépotoir de la zone 12 –, pour la période 325-250 av. n. ère.

  Vue de l’ensemble bâti mis au jour sur la zone 12 à la fin de la campagne 2018 (cliché : S. Munos).

 

Le projet 2019-2021

Le projet 2019-2021 se décline en deux volets. D’une part, la poursuite du travail de cartographie de l’oppidum et, d’autre part, la poursuite de l’exploration de la partie méridionale du site, avec la fouille des zones 9 et 12.

Le travail de cartographie, déjà bien avancé, portera exclusivement sur l’exploitation des données du relevé par LiDAR. Les données brutes pourront être analysées avec le concours d’Hervé Bohbot (géomaticien, ingénieur de recherche CNRS, UMR 5140 ASM Montpellier). Nous opérerons également une vérification systématique des anomalies sur le terrain. L’objectif est de proposer un plan topographique le plus détaillé possible du site et de ses abords afin de comprendre d’une part l’insertion de l’oppidum dans son environnement immédiat et, d’autre part, d’appréhender les contraintes d’urbanisme liées à la microtopographie du terrain. Enfin, l’exploitation de ces données devrait permettre de localiser précisément le bâti moderne qui a pu impacter la conservation des vestiges protohistoriques (garennes, cabanes de chasseurs et murs de terrasse).

Les zones 9 et 12, qui se caractérisent par une bonne conservation des vestiges, constituent deux fenêtres d’exploration complémentaires pour l’étude des formes de l’habitat, et plus spécifiquement de la structuration des espaces au sein de l’oppidum (agencement des bâtiments et des espaces de circulation). En effet, tandis que dans la zone 12, on peut supposer que la trame urbanistique est au moins en partie contrainte par la présence de la fortification, la zone 9, à environ 30 m au nord,  en est de fait libérée. La poursuite de la fouille dans ces deux zones nous paraît donc essentielle pour aborder la problématique de l’urbanisme intra-muros.