Etudier les périodes de tempêtes majeures en Méditerranée occidentale au cours des trois derniers millénaires
Dans le cadre du programme DYLITAG soutenu par le Labex ARCHIMEDE et portant sur l’étude de la dynamique des littoraux et des interactions sociétés-environnement en Agathois depuis le Néolithique, une équipe de recherche menée par le laboratoire Archéologie des Sociétés Méditerranéennes (UMR5140, CNRS / Université Paul Valéry Montpellier 3 / Ministère de la Culture et de la Communication), avec l’aide du laboratoire Géosciences Montpellier (UMR5243, CNRS / Université de Montpellier / Université des Antilles), a reconstruit les principaux épisodes de tempêtes survenus en Méditerranée occidentale au cours des trois derniers millénaires. Les résultats sont publiés dans la revue Quaternary Science Reviews, voir l’article sur Sciencedirect
Les tempêtes de forte intensité représentent un risque majeur pour les populations et les infrastructures installées dans les basses terres côtières. En Méditerranée occidentale, où les sociétés humaines ont densément colonisé et occupé les zones littorales depuis l’Antiquité, la variabilité de l’activité tempestologique durant les trois derniers milliers d’années a été investiguée à l’aide de l’étude sédimentologique et géochimique multi-indicateur à haute résolution de la séquence lagunaire de l’étang du Bagnas. Cet étang est situé dans la plaine du Languedoc au nord-est de la commune d’Agde (département de l’Hérault).
Une cartographie de la géochimie et de la susceptibilité magnétique des sources sédimentaires détritiques dans le bassin versant de l’étang et sur les cordons sableux littoraux a été réalisée afin de tracer l’origine marine ou terrestre des sédiments déposés dans l’ancienne lagune. L’analyse multi-indicateur montre que les matériaux à granulométrie grossière, à faible susceptibilité magnétique et à forte teneur en strontium caractérisent la signature sédimentologique des niveaux de paléotempêtes identifiés dans la séquence lagunaire. Une comparaison avec des référentiels paléoclimatiques en Atlantique Nord et en Méditerranée occidentale révèle que les phases tempestologiques intenses se sont produites durant des périodes plus froides. Ceci suggère un mécanisme de contrôle climatique sur la variabilité de l’activité tempestologique. Par ailleurs, ces grandes phases d’activité en Méditerranée occidentale et en Europe du Nord se sont déroulées de façon synchrone.
Les analyses spectrales réalisées sur la teneur en strontium ont révélé la présence d’un nouveau cycle tempestologique de 270 ans qui serait gouverné par un forçage climatique externe dû aux variations de l’activité solaire. Pour les trois derniers milliers d’années, ce cycle de 270 ans définit une succession de dix périodes d’activité tempestologique renforcée avec une durée moyenne de 96 ± 54 années. Les plus fortes périodes ont été enregistrées entre 680 et 560 av. J.-C. (période froide de l’âge du Fer, ou Iron Age Cold Period), entre 140 et 820 ap. J.-C., avec une très forte intensité et une nette accentuation de la fréquence des tempêtes entre 400 et 800 ap. J.-C. (Antiquité tardive / Haut Moyen Age, ou Dark Ages Cold Period), et de 1230 ap. J.-C. jusqu’à la fin du XIXe siècle (Petit âge glaciaire, ou Little Ice Age). Les périodes de faible activité se sont déroulées entre 560 av. J.-C. et 140 ap. J.-C. (période chaude romaine, ou Roman Warm Period), et entre 820 et 1230 ap. J.-C. (période chaude médiévale, ou Medieval Warm Period).
Concernant les interactions Hommes-milieux, le nouveau cycle multi-centennal d’activité tempestologique révélé à partir de l’enregistrement sédimentaire de l’étang du Bagnas pourrait donner une remarquable opportunité pour étudier l’impact des épisodes de grandes tempêtes sur les installations humaines en Méditerranée occidentale durant les derniers millénaires. Par exemple, le développement de la civilisation romaine en Méditerranée occidentale a correspondu à une période de faible activité tempestologique, la Roman Warm Period, tandis que la fin de l’Empire Romain d’Occident dans l’Antiquité tardive s’est déroulée au cours de la période d’activité tempestologique la plus intense des trois derniers millénaires.
L’analyse de l’impact de ces périodes de forte activité sur la société et l’économie des anciennes civilisations, et notamment les impacts sur le commerce maritime, les infrastructures portuaires ou les ressources naturelles littorales nécessiteront une analyse croisée des archives sédimentaires, historiques et archéologiques.
Contacts :
Benoît Devillers,
Jean-Philippe Degeai,
L’information est relayée sur le site de l’INSHS à l’adresse suivante