golfe ValincuLe site de Monti Barbatu se trouve dans le sud-ouest de la Corse, à 2 km au nord du littoral du golfe du Valincu. Il s’agit d’un habitat occupé au Néolithique récent, à l’âge du Bronze et au Moyen Âge, découvert dans les années 1970 et ayant fait l’objet de sondages dans les années 1980 puis en 2013. Les travaux 2017 consisteront à poursuivre et étendre ceux de 2013. Il s’agira de cerner les modalités de l’occupation du Néolithique récent de culture basienne (IVe millénaire) et de préciser celles de l’aménagement fortifié du Bronze moyen qui coiffe le sommet du site.

 

 

Localisation

Golf du Valincu

L’éminence granitique du Monti Barbatu se dresse au-dessus de la rive nord du golfe du Valincu (sud-ouest de la Corse) du haut de ses 516 m d’altitude. Le massif rocheux qui la domine, très caractéristique dans le paysage microrégional, est placé sur la ligne de crête séparant le bassin hydrologique du Taravu de ceux de plusieurs petits ruisseaux saisonniers se jetant dans la mer entre Abbartellu et la tour littorale (XVIe siècle) de Calanca. Le panorama s’ouvre sur le golfe d’Asinara, la Sardaigne, le Sartenais et la vallée du Taravu. En ce sens, le site jouit d’une importance stratégique évidente.

 

 

 

À propos du nom du site

 Statue Menhir

Le toponyme du Monti Barbatu est diversement interprété. La tradition courante et naïve fait dériver Barbatu du mot « barbe », le massif serait alors le « mont barbu » car, disait un habitant d’Olmeto, « il est hérissé de rochers qui forment sa barbe ». Une autre interprétation proche traduit Barbatu par « aiguilles ». Les pics rocheux sont bien les aiguilles de granit qui hérissent le massif. Cette interprétation populaire, fondée sur l’aspect paysager est réfutée par une lecture érudite qui fait dériver Monti Barbatu du latin barbarus, lui-même issu du grec βάρϐαρος :  bárbaros  (onomatopée qui désignait les peuples qui ne parlaient pas le grec). On devrait alors y voir le Monti d’i Barbari ou « Mont des Barbares » dont l’origine (barbaria) serait la même que pour la région sarde de Barbagia. Toutefois, le toponyme pourrait n’être qu’un hagiotoponyme déformé, en rapport avec les saints : Barbatus (évêque de Bénévent, VIIe siècle) ou Barbara (sainte Barbe, IIIe siècle), que l’on retrouve sur la commune de Sartène. L’un de ces deux saints aurait-il été le vocable sous lequel était placé le sanctuaire (chapelle castrale ?) situé sur le Monti Barbatu ? Le patronyme « Barbatacci » porté par des familles de la commune mitoyenne de Sollacaro tirerait son origine du lieu-dit. Le toponyme du col voisin est semble-t-il en relation avec le massif granitique dominant du Monti Barbatu. A Coppia est le « joug », pièce de bois qui servait à réunir une paire de bœufs pour les labours à l’araire. La tradition populaire interprétait les silhouettes des deux pitons granitiques du massif de Monti Barbatu, fréquemment frappés par la foudre, comme les cornes des animaux d’un attelage pétrifié par Satan.

 

 

Historique des recherches

Découverte du site

rempart Nord

Le site archéologique de Monti Barbatu a été recensé par J. Cesari lors de travaux de sauvetage urgent effectués en 1981 sur le proche dolmen de Figa la Sarra, localisé au niveau du col de Bocca di a Coppia (situé à 333 m, entre les reliefs de la Punta di Transpirelli et le Monti Barbatu). Les premières visites ont permis à ce chercheur de caractériser des occupations du Néolithique, des âges des métaux et du Moyen Âge, matérialisées tant par des structures bâties que par un riche et large épandage de mobilier.

 

 

 

 

Les fouilles des années 1980

Monti Barbatu a fait l’objet de sondages dans les années 1980, sous la direction d’O. Jehasse. A cette occasion, des excavations ont été réalisées contre l’enceinte ouest, dans les aménagements médiévaux du centre du plateau sommital et dans un angle du bâtiment médiéval nord. Les rapports, succincts, évoquent des occupations de l’âge du Bronze, de l’âge du Fer, de l’Antiquité et du Moyen Âge.

 

Pillages et dégradations

MB Haches vignette

Le site, notamment sa partie sommitale, a été l’objet de pillages répétés fréquents depuis sa découverte. Selon les témoignages recueillis, plusieurs vases entiers, dont l’un en pierre, auraient été prélevés et emportés. Des haches en bronze formant un dépôt (découvert par J. Cesari avant d’être exhumé par des détectoristes) ont été récupérées avant d’être conservées au musée de Sartène. Il s’agit de formes diffusées autour de la transition Bronze ancien/moyen.

 

La campagne 2013

Vestiges de la chapelle romane de la fortification médiévale

L’opération réalisée au Monti Barbatu en 2013 à la demande du SRA de Corse a fourni l’occasion de dresser un état des lieux documentaire sur le site, intégrant une révision de toutes les données anciennes à notre disposition (prospections diverses, fouille des années 1980 et mobiliers issus de pillages récents). Elle a aussi consisté en un repérage et un catalogage de toutes les structures bâties sur une étendue de plus de 4 hectares. Le site a été divisé en trois secteurs (A, B et C). Les secteurs à l’est du sommet, A et B, sont structurés par des terrassements en gros blocs probablement voués à des activités agricoles qui pourraient dater de l’âge du Bronze. Le secteur sommital (C) est ceinturé par une enceinte cyclopéenne en gros blocs et surmonté par une enceinte en petits blocs et des structures habitatives, religieuses et castrales médiévales. Parmi ces dernières, il a été possible de reconnaître un donjon rectangulaire.

Un sondage de 9 m² a été réalisé sur la terrasse sub-sommitale, contre l’enceinte cyclopéenne de l’âge du Bronze. Il a révélé une occupation du Bronze moyen caractérisée par une production céramique de nette tradition italique, une présence diffuse au Bronze final et une importante restructuration de l’espace au cours du Moyen Âge. Ce dernier épisode est caractérisé par l’aménagement d’un double remblai de nivellement destiné à aplanir le terrain au préalable de l’élaboration de la chapelle et des habitations (XIIe-XVe siècles). L’étude du mobilier contenu dans le remblai médiéval a montré l’existence d’un site basien (IVe millénaire) sur la partie sommitale. En parallèle, l’analyse de la statue-menhir Monti Barbatu 1, qui se trouve sur le secteur B, a été menée à terme et a révélé l’appartenance du monolithe au style iconographique du Taravu.

relevé d'élévation du mur médiéval

Relevé d’élévation du mur médiéval du versant est du secteur sommital
(en jaune : traces de chaux ; en gris : granit à grain fin)

 

 

Plan topographiquePlan topographique sommaire des structures de la terrasse sub-sommitale du secteur C. Rouge : structures médiévales ; noir : structures protohistoriques. En rose : sondages anciens ; grisé : masses rocheuses

 

Problématiques définies à partir des données 1981-2013

La précision des aspects chronologiques et culturels est un objectif permanent. Dans ce cadre, l’étude du site néolithique basien du Monti Barbatu se conçoit dans une optique comparative avec celle qui est menée depuis 2015 sur le site voisin et éponyme de Basì, à 4 km au nord-ouest à vol d’oiseau. La chronologie de ce faciès défini à la fin des années 1960 par G. Bailloud reste flottante en l’absence de phasage interne, même si ses traits caractéristiques sont aujourd’hui bien documentés. Ce volet concerne aussi bien les productions céramiques que lithiques, avec pour ses dernières une focalisation particulière sur les questions d’approvisionnement puisque l’essentiel des matériaux (silex et surtout obsidienne) est importé de Sardaigne. On envisage également une caractérisation des ressources locales, essentiellement dominées par la rhyolite. Documenter l’organisation du site du Néolithique récent (IVe millénaire) constitue également un objectif évident et ce d’autant que le gisement de Basì n’a pas livré de structure associée aux niveaux de cette époque.

Tessons

Le sondage de 2013 a mis en évidence une occupation du Bronze moyen qui reste à déterminer dans le temps, même si la présence de céramique « apenninique » décorée permet d’évoquer le Bronze moyen 2 (1550-1450 av. J.-C.). Ce point reste à renseigner. Au-delà de ces questions temporelles, on tentera d’observer l’organisation de cette occupation. Concernant le mobilier, la présence de formes et décors d’affinité italique refonde le questionnement sur ce type de production dans l’île. Mis à jour sur une dizaine de sites, le faciès n’est à ce jour bien étudié et publié que pour deux sites fouillés anciennement : Filitosa-Turrichju et Monte Ortu. Il s’agira donc de proposer des interprétations sur une période et un style qui constituent un enjeu majeur de la Protohistoire insulaire depuis les premières mentions relatées par E. Atzeni en 1966 et synthétisées dans les années 2000 dans les travaux de F. Lorenzi. On s’attardera aussi, dans la mesure du possible, à caractériser l’occupation du Bronze final, mise en évidence lors de l’étude des mobiliers superficiels et de ceux issus des fouilles des années 1980, pressentie dans l’architecture du rempart sommital, mais absente du remplissage du sondage 2013. Enfin, les mobiliers résiduels médiévaux feront l’objet d’une problématique propre, gérée par des collègues médiévistes.

Stratégie opératoire

L’opération menée en 2013 au Monti Barbatu avait consisté à développer trois axes :

  • recueil et révision de la documentation concernant les travaux antérieurs (diverses prospections et fouilles O. Jehasse),
  • prospection visant à inventorier et analyser toutes les structures archéologiques en élévation,
  • réalisation d’un sondage implanté dans la partie sommitale, contre l’enceinte de l’âge du Bronze, afin d’évaluer le potentiel archéologique et proposer une première esquisse stratigraphique pour ce secteur, le plus riche en constructions pour les diverses époques d’occupation.

Sur cette base documentaire, il s’agira en 2017 de déboucher le sondage 2013 afin d’atteindre le niveau de fin de fouille correspondant au sol du Bronze moyen sis contre l’enceinte cyclopéenne ouest. Une extension de ce sondage vers l’est est prévue pour offrir un espace d’investigation plus étendu que les 9 m² originels dont l’essentiel est occupé, dans les parties inférieures, par des boules granitiques affleurant du lithosol. Cette extension pourrait se faire sur une aire de 9 m² pour constituer au final un décapage de 18 m², soit 4,5 x 4 m².